La semaine dernière, j’ai été contacté, par la société Alambret, spécialisée dans la communication culturelle, afin de me proposer d’aller voir un spectacle, mise en scène par Miyagi Satoshi et interprété par la troupe japonaise du SPAC (Shizuoka Performing Arts Center).
Ce spectacle a été spécialement conçu pour les 10 ans du musée du quai Branly et se joue dans l’enceinte de son théâtre Claude Lévi-Strauss.
Je ne suis pas vraiment un habitué de ce genre de spectacle, mais en parcourant le dossier de presse, le site de la troupe et surtout, en visionnant la bande annonce du spectacle, j’ai vraiment été très intrigué et curieux d’aller découvrir ce spectacle.
Bien m’en a pris, car vraiment, je n’ai pas été déçu 🙂
Présentation
Dix ans après avoir inauguré le Théâtre Claude Lévi-Strauss du musée du quai Branly en octobre 2006 avec l’épopée du Mahabharata, le metteur en scène japonais MIYAGI Satoshi et 27 comédiens et musiciens du SPAC – Shizuoka Performing Arts Center reviennent pour une création inédite à l’occasion de l’anniversaire des 10 ans du musée.
À l’issue d’une résidence artistique de la troupe qui débute au musée du quai Branly le 26 mai 2016, Le Lièvre blanc d’Inaba et des Navajos est présenté du 9 au 19 juin 2016.
Afin de vous donner une idée du spectacle, n’hésitez pas à visionner la bande annonce :
Informations pratiques
Représentations :
Du jeudi 9 au dimanche 19 juin 2016 (relâche le lundi 13 juin 2016) – 10 représentations
– Du jeudi 9 au samedi 11 juin 2016, 20h
– Dimanche 12 juin 2016, 17h
– Du mardi 14 au samedi 18 juin, 20h
– Dimanche 19 juin, 17h
Tarifs : 20 € (tarif plein) / 15 € (tarif réduit)
Le billet donne accès aux collections permanentes et à l’exposition PERSONA, Étrangement humain en mezzanine Ouest le jour du spectacle
Réservations :
Au musée du quai Branly, 37 quai Branly – Paris 7e : mardi, mercredi et dimanche de 9h30 à 18h / jeudi, vendredi et samedi de 9h30 à 20h
Par téléphone : au 01 56 61 71 72, du lundi au vendredi de 9h30 à 17h00
LE LIÈVRE BLANC D’INABA ET DES NAVAJOS
© photo by SPAC
MIYAGI Satoshi a conçu un spectacle qui confronte deux mythes japonais au mythe des Indiens Navajos décrit par Claude Lévi-Strauss dans son recueil L’Autre face de la lune.
A partir du mythe du lièvre blanc relaté dans le Kojiki – recueil des mythes de genèse du Japon écrit au 8è siècle -, et des correspondances relevées par Claude Lévi-Strauss entre ces épisodes et les mythes amérindiens de l’Oiseau-Tonnerre, MIYAGI Satoshi crée un spectacle inédit sur mesure spécialement pour le Théâtre du musée du quai Branly.Dans ces écrits posthumes sur le Japon, Claude Lévi-Strauss établit des correspondances entre certains mythes d’Asie et des cultures amérindiennes.
En mettant en valeur leurs similitudes et leurs écarts, il fait de ces mythes parallèles les émanations d’un réservoir commun qui aurait circulé de l’Indonésie à l’Alaska à l’époque des grandes glaciations, alors que la majorité des îles étaient reliées à la terre ferme et que le détroit de Béring joignant l’Asie à l’Amérique était en grande partie émergé.
Claude Lévi-Strauss rapproche notamment l’histoire du lièvre blanc d’Inaba de versions amérindiennes à celle d’un épisode mythique japonais, comparable par les figures du beau-père maléfique et du passeur : « Tout se passe comme si un système mythologique peut-être originaire de l’Asie continentale et dont il faudrait rechercher les traces était passé d’abord au Japon, ensuite en Amérique ».
Afin d’apporter sa réponse à l’hypothèse de Claude Lévi-Strauss, toute la troupe du SPAC – Shizuoka Performing Arts Center s’est plongée dans la lecture de cet ouvrage. La troupe s’est imprégnée de sa pensée avant de se livrer à un exercice d’écriture collective, inédit pour MIYAGI Satoshi et ses acteurs. Ils ont avant tout retenu de Claude Lévi-Strauss le refus de hiérarchiser les cultures, en distinguant civilisation et non-civilisation, et en ont tiré la grande gageure du projet : donner à voir les transformations du mythe, les voyages de la légende d’un continent à l’autre.

La troupe au complet. Bravo les artistes 🙂 © photo by SPAC
SPAC – SHIZUOKA PERFORMING ARTS CENTER
Le SPAC – Shizuoka Performing Arts Center est une compagnie japonaise de théâtre contemporain, installée au pied du mont Fuji, dirigée par MIYAGI Satoshi. Son travail de mise en scène, inspiré du kabuki, est basé sur la dissociation du logos et du pathos, de la parole et du corps.
À chaque création, la compagnie propose une oeuvre totale en réalisant de somptueux costumes et masques (dans la tradition de l’époque Heian du 9e au 12e siècle), et en concevant la musique du spectacle avec quarante percussions de tous horizons (gamelan, djembé…).
Venu pour la première fois en France, au musée du quai Branly en octobre 2006, avec sa création MAHABHARATA – Épisode du roi Nala puis repris en février 2013 avec quelques évolutions de mise en scène, le SPAC – Shizuoka Performing Arts Center a, par la suite, été programmé au festival d’Avignon en 2014.
Le spectacle
Sans tout vous dévoiler, je vais vous raconter ma soirée et comment ce spectacle se déroule.
En ouverture, le metteur en scène, Mr MIYAGI, présente et explique le déroulement du spectacle, avec le soutien d’une comédienne de la troupe, qui traduit ses paroles, en français ! D’ailleurs, tout le spectacle se déroule en japonais, mais est traduit sur des écrans, situés en hauteur sur la scène.

© photo by SPAC
La première partie, dédiée au Japon et basée sur le Kojiki (古事記), reprend vraiment les arts japonais du théâtre et de la comédie, sans oublié sa musique traditionnelle. La mise en scène, les costumes et surtout les accessoires, sont vraiment incroyables de réalisme, malgré leur « simplicités ». Cela est sans doute dû à la dextérité dont font preuves les comédiens en les maniant et à leur qualité de fabrication (artisanat japonais ?).
Tout au long de cette partie, un homme de la troupe, très « cool » (vous comprendrez si vous allez voir le spectacle), calligraphie en direct certains mots clés / phrases de l’histoire. Toute une mise est mise en place pour cela, avec à chaque fois un panneau traduisant les Kanji pour le public 🙂
La deuxième partie, dédiée au peuple Navajos, est beaucoup plus rythmée et encore une fois comporte des accessoires magnifiques. La mise en scène est grandiose et le jeu entre les comédiens, la lumière, la musique et les masques Navajos est vraiment superbe. On commence à s’apercevoir, au fil de cette partie, aux points communs entre ces deux anciens mythes, alors que ces pays sont pourtant très éloignés.
Avant la 3ème partie, retour de Miyagi Satoshi pour une explication de la vision de Claude Lévi-Strauss, le tout mis en scène avec plein d’humour.
Cette troisième et dernière partie, la plus longue, mixe et met en avant les points communs des deux premières parties.
C’est vraiment le moment du spectacle où les comédiens mettent tout leurs talents en oeuvre et quel résultat !
Si le début est un peu lent, l’enchaînement monte petit à petit et le final est totalement grandiose !
Digne d’un bon matsuri japonais 🙂
Les plus
- Comédiens complets (conteurs, chanteurs, comédiens, gymnastes, musiciens) : une superbe troupe !
- Masques et accessoires simples mais magnifiques
- Musique au top
- Mise en scène très réussie
- Plein d’humour
- Final grandiose !
Les moins
- Lumières de la salle (le public est un peu trop éclairé à mon goût)
- Traductions sur écrans placés trop en hauteur
- Transition entre le 1ère et 2ème partie un peu rapide (on ne voit pas le changement tout de suite)
- 3ème partie un peu lente à démarrer
En conclusion
Le Lièvre Blanc d’Inaba et des Navajos est un spectacle de folie !
Tout est vraiment très réussi, la mise en scène est superbe et la troupe… Ce sont TOUS de vrais artistes : C’est dingue de les voir maîtriser tant de choses, si naturellement : ils se relaient durant tout le spectacle et sont tous capables d’être tantôt conteur, tantôt chanteur, tantôt musiciens, tantôt …
On sent qu’il y a vraiment un travail de fou qui a été effectué et qui paye, car malgré les petits défauts que j’ai relevé, Le Lièvre Blanc d’Inaba et des Navajos est un spectacle qui mérite le déplacement, sans hé-si-ta-tions !
À la fin du spectacle, le public était debout et il y a eu 3 rappels… Je crois que ça veut tout dire 🙂
C’est dommage que le spectacle ne reste pas longtemps à l’affiche, alors si vous pouvez, n’hésitez plus une seconde et allez profiter de la troupe du SPAC, tout en découvrant l’art de la comédie et du spectacle à la japonaise.
En plus, diverses activités gratuites sont organisées (visite spéciale des collections, lecture de contes, atelier du spectateur, …) durant la tenue du spectacle, afin de mieux en comprendre ses mythes et histoires. Et puis, vous pourrez aussi rencontrer les artistes, après la représentation.
Merci à l’agence du communication Alambret et au musée du Quai Branly pour m’avoir fait découvert ce spectacle. Un superbe travail a été réalisé pour les 10 ans du musée, alors vivement les 20 ans, avec la même troupe ! 🙂