Hiroshima (広島市), 6 août 1945, 8H15 : Little Boy est lâchée et explosera quelques secondes plus tard au dessus de l’hôpital Shima (島病院), en plein centre ville et à 300 mètre du point d’impact visé : le pont Aioi (相生橋).
En quelques secondes, l’explosion forma une énorme bulle de gaz qui fit monter la température au sol jusqu’à 4000°C et provoqua des incendies sur plusieurs kilomètres.
Ce premier bombardement atomique de l’histoire provoqua directement et indirectement la mort (atroce) de ~100.000 personnes dans le but d’obliger le Japon à capituler et d’en finir rapidement avec la campagne américaine du Pacifique.
De nos jours, de plus en plus d’historiens doutent de la réelle efficacité de la bombe atomique dans la reddition du Japon (seule cette nouvelle technologie « imprévisible » aurait servi d’excuse à l’Empereur pour ne pas perdre la face) et pensent que l’utilisation de la bombe aurait pu et dû être évitée !
Hiroshima a mis de nombreuse années à se reconstruire, mais aujourd’hui, c’est une ville moderne, à l’industrie et aux commerces florissants, mais c’est surtout une ville qui veut promouvoir la paix à travers différents monuments, lieux, jardins et musées.

Les rives de la rivière Ota
En 2010, durant ma première visite de la ville d’Hiroshima, je voulais découvrir son musée du Mémorial de la paix et son château.
Je devais rester un peu moins d’une journée sur place et le timing était donc serré… mais jouable ! Néanmoins, j’ai pris une telle claque durant la visite : sa durée fût plus longue que prévue mais surtout cela vous laisse tellement à réfléchir sur la vie que l’envie de speeder pour finir la journée sur le château s’évada.
Mais avant d’en parler plus en détail, laissez moi vous raconter une petite anecdote :
Le papy d’Hiroshima
Cette histoire s’est déroulée la veille de ma visite de la ville d’Hiroshima, alors que j’étais dans le train en direction de Miyajima.
J’étais assis sur une banquette, proche de la porte, à côté de ma femme, en face d’un japonais âgé (la bonne soixantaine, sans doute même un peu plus) et j’ai remarqué qu’il me fixait a intervalle régulier.
Je n’y est pas trop prêté attention, pensant qu’il essayait peut-être de deviner de quelle nationalité j’étais…
Sur la route de Miyajima, le train roule le long des côtes à mesure que l’on s’approche et je me tournais à plusieurs reprise pour observer la mer et j’oubliais ce papy.
Mais peu avant d’arriver, une ou deux stations, je ne m’en souviens plus, il se leva d’un coup peu avant l’ouverture des portes, s’approcha de moi et me tendis un petit sachet en papier.
Ne comprenant pas trop, j’ai refusé dans un premier temps, mais il insista fortement et le posa sur mes jambes et me disant qu’il serait heureux si j’accepte ce cadeau et qu’il est honoré de voir un étranger visiter sa ville et sa région.
J’ai été très surpris de ce geste et surtout de ces mots : je pensais que les habitants d’Hiroshima n’auraient pas forcement envie de voir des étrangers chez-eux, surtout après avoir reçu une bombe nucléaire sur la tête par l’occident.
Mais il en était tout autre, en tout cas de la part de ce gentil papy (qui a peut-être survécu au bombardement ?) et j’ai trouvé son geste d’une humanité incroyable, car je ne sais pas, si, à sa place, je porterai toujours dans mon coeur l’étranger qui à détruit ma ville, mon foyer, ma famille, mes amis, bref ma vie…

Il reste fière et droit, le bougre !
Le dôme
Le dôme de Genbaku (原爆ドーム), également appelé le mémorial de la paix d’Hiroshima est le bâtiment tristement célèbre, situé non loin du point d’impact de la bombe et ayant incroyablement bien résisté à l’explosion.
La structure de son toit, justement en forme de dôme, dorénavant à nue et la plupart de ses murs, bien que partiellement détruits, tiennent toujours debout mais nécessitent des travaux d’entretiens réguliers : les fondations ont été renforcées, les fissures colmatées et tous les 3 ans, la ville d’Hiroshima contrôle l’ensemble du bâtiment.
Conçu par l’architecte tchèque Jan Letzel, la construction du dôme s’est achevée en 1915 et avait pour but de mettre en avant le savoir-faire de la préfecture d’Hiroshima : on sera tous être d’accord pour dire que pour la solidité, le savoir-faire était bien là 😀
En juin 1995, les restes du bâtiments ont été classés aux monuments historiques et le 5 décembre 1996, le dôme a fait son entrée au patrimoine mondial de l’Unesco, malgré les tentatives d’oppositions américaines et chinoises.
Sinon, y aller est plus symbolique qu’autre chose, le site étant protégé et fermé, on fait quelques photos et on part 😮

On peut apercevoir les fissures colmatées du Dôme
Le Parc du Mémorial de la Paix de Hiroshima
L’idée d’un parc dédié à la mémoire des victimes de la bombe apparu très tôt (entre septembre et novembre 1945), mais le temps de mettre en place des conseils, de trouver les budgets, de changer les lois, … il s’écoula près de dix ans !
Le parc a ouvert le 1er avril 1954 (c’est pas une blague :o) et est au centre du nouveau quartier de Nakajima : ce quartier a été entièrement repensé et redessiné afin de devenir le symbole de la paix d’après guerre.
Le parc du mémorial de la Paix comporte beaucoup d’œuvres et de monuments dédiés à l’histoire du bombardement.

Le monuments de la paix des enfants
Le monuments de la paix des enfants (ci-dessus) est particulier, car lié à l’histoire d’une petite fille qui fait elle même parti des nombreuses histoires associées aux retombés du bombardements nucléaire, que l’on découvre dans le musée.
Sadako Sasaki (佐々木禎子) n’avait que deux ans quand la bombe a explosé. Habitant a deux kilomètres de l’impact, elle est restée vivante malgré la mort de la plupart de ses voisins, à cause, entre autre, des radiations.
La vie continua. À l’école, elle développa une passion pour le sport et commença la pratique de la course à pieds. Les premiers signes d’un mal être apparurent lors d’une compétitions, en 1954, où elle ressenti une grande fatigue.
Pensant avoir trop forcé, personne ne s’en inquiétait trop, mais de plus en plus de vertiges sont apparus jusqu’au jour ou elle ne pouvait plus se relever.
Emmenée d’urgence à l’hôpital, le diagnostique était tombé : une leucémie (cancer du sang).
Afin de garder espoir, une amie d’école lui parla d’une croyance japonaise : réaliser 1000 grues en papier (origami) permettrait de voir ses vœux exaucés.
Elle décida de se lancer dans la confection des grues en utilisant tout le papier qu’elle avait à porté d’elle à l’hopital (jusqu’aux étiquettes des flacons), mais malheureusement, elle décéda le 25 octobre 1955, à l’âge de 12 ans, après avoir réalisé 644 grues.
Touchés et choqués par son histoire, ses camarades de classes décidèrent de finir les grues et de continuer après les milles, afin de récolter de l’argent et construire une statue en souvenir de Sadako.
C’est comme cela que le mémorial Sadako Sasaki (mémorial de la paix des enfants) est né, le 5 mai 1958, jour des enfants et que la grue japonaise est devenu un signe de paix à travers le monde.

La Flamme de la Paix
La Flamme de la Paix est un monument qui symbolise la lutte contre le nucléaire militaire (pas civile, faut pas déconner, y’a du fric à se faire :o).
Allumée le 1er août 1964 et alignée dans l’axe du Musée / Cénotaphe / Dôme, la flamme perdurera tant que les armes nucléaires existeront.

Le Cénotaphe

La Cloche de la Paix
Le Cénotaphe du Parc de la Paix (平和公園慰霊碑) est un monument aux mort, un tombeau (sans corps), dédié à la mémoire des morts du bombardement d’Hiroshima et situé pile dans l’axe de la Flamme de la Paix et du Dôme de Genbaku.
Quand à la Cloche de la Paix (平和の鐘), inaugurée le 20 septembre 1964, c’est souvent son son qui est repris dans les bandes sons du Japon et je suis sûr que vous l’avez déjà entendu, lors de la cérémonie commémorative du bombardement, qui a lieu tous les 6 août et qui passe très souvent dans nos journaux télévisés.
J’ai décris les principaux monuments, mais il en existe d’autres et je pousserai même à dire que le parc de la Paix est à lui seul un monument unique formé de tous ces souvenirs et hommages « posés » là afin de ne pas oublier…

En direction du musée, avec les arbustes taillés en forme de champignon nucléaire
Le Musée du Mémorial de la Paix de Hiroshima
Comme je le disais au début de l’article, la visite du musée de la paix était l’un de mes buts à Hiroshima, mais je n’aurai jamais pensé qu’il était possible de ressentir tant d’émotions en visitant un musée.
Pourtant, la visite commence plutôt normalement, comme le plupart des musées, avec photos, objets d’époques et films sur la seconde guerre.
C’est plutôt normal et selon les personnes, on s’attardera plus ou moins longtemps (les films prennent du temps surtout).
Mais là où la visite se corse, c’est quand l’on rentre dans l’aile du musée qui est dédiée aux objets personnels des habitants et leurs histoires : photos de famille retrouvées, photos d’enfants mutilés, blessés ou grands brûlés, les montres arrêtées à l’heure de l’explosion, les vêtements (brûlés, troués, arrachés, découpés, …), des cahiers et livre d’école, …
Assez macabre également, des morceaux de peau sont exposés et beaucoup de photos sur les dégâts causés au corps humain par l’explosion ou les radiations.
À la sortie, c’est les documents (papiers et vidéos) des rescapés, dans lesquels ils racontent l’horreur qu’ils ont traversé, qui vous achèvent.
Bref, c’est très intense, cela m’a fait beaucoup réfléchir sur la guerre, la folie des hommes d’un côté et leurs souffrances de l’autre et j’ai ressenti, dès la sortie, une grande mélancolie, mais également une empathie envers ces habitants d’Hiroshima, qui à cette époque, ont vraiment dû traverser des épreuves incroyablement dures dès le bombardement, mais surtout sur la durée, avec la peur de mourir, du jour au lendemain, dans les mois ou années à venir, à cause des radiations…
Je conseillerai donc à tous ceux, un tant soit peu intéressés par l’histoire, de prendre le temps de visiter le musée du mémorial de la paix, lors de leurs passage à Hiroshima, mais tout en s’attendant à recevoir un grand coup dans la tête à la sortie.
Et je défis les plus insensibles d’en ressortir sans un silence de plusieurs minutes, qui à lui tout seul, en dira très long sur l’impact de cette visite sur votre vie.
Pour finir dans une atmosphère plus détendue et pour tout ceux qui ont lu l’anecdote du « papy japonais » en se demandant quel était le cadeau que j’ai reçu… et bien vous ne le saurez jamais ! 😮
Non… en fait, j’ai reçu une bonne vingtaine de carte postale, timbrées et prêtes à être envoyées, toutes mettant en avant la région d’Hiroshima 😉
Merci pour ce billet, j’ai particulièrement apprécié l’anecdote du papy, elle doit faire partie des expériences rares qui marquent à jamais durant un voyage; un peu comme celle décrite à la fin de l’article lorsqu’on ressort du musée de la Paix. Pour l’avoir parcouru deux fois lors de deux voyages différents, j’en suis ressorti toujours aussi ému et je crois bien que si j’y retournais une troisième fois ce serait exactement la même chose. Il y a des lieux qui suscitent l’émotion, on a beau se dire qu’on est préparé et bien non, impossible de rester de marbre ou de ne pas être chamboulé.
Hiroshima est clairement une ville qui mérite qu’on s’y attarde et pas seulement pour son Histoire, j’adore particulièrement le shukkei-en aussi.
Merci pour ce commentaire 😮
C’est vrai que je m’attendais pas à ce choc, ni à ressortir tout chamboulé du musée de la Paix…
Je suis d’accord, Hiroshima est une ville qui mérite du temps (ses alentours aussi), surtout que c’est le type de grand ville où justement on ne sent pas oppressé par le monde.
D’ailleurs, il faudra que j’y retourne, n’ayant pas eu ce temps pour tout voir 😀